Retour sur la journée des leaders à Paris avec Bill Hybels

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Une conférence exceptionnelle sur le leadership chrétien a eu lieu à Paris le 3 février à l’initiative des pasteurs Eric Célérier et Michel Balverde. Une centaine d’invités se sont regroupés pour réfléchir aux nouveaux modèles de management des organisations chrétiennes et au leadership au sein des églises et auprès de la société. Cette rencontre a notamment bénéficié de la participation de Bill Hybels et a permis des échanges constructifs entre les invités aux profils très divers : entrepreneurs chrétiens, pasteurs ou dirigeants d’entreprises ; protestants ou catholiques.

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A l’heure où les modèles économiques établis semblent plier sous le joug d’une innovation technologique effrénée, nombreux sont les grands dirigeants à mettre en accusation les responsables de “l’ubérisation” de la société. Les ingrédients qui ont longtemps fait le succès et le monopole de certaines corporations de métiers : taxis, hôtels, restaurants, sont aujourd’hui menacés de l’intérieur par leurs anciens clients, soucieux de démocratiser la culture du service et de la relation personnelle.

Le service et la relation personnelle : voilà donc deux messages offerts par le Christ aux hommes et devenus piliers de nos églises, institutions désormais multi-séculaires. Est-ce-à dire que l’ubérisation pourrait remettre en cause nos fondements chrétiens? Face à ce défi, quelle posture adopter : résister ou s’adapter ? Autant de réflexions dont nos leaders chrétiens ont décidé de ne pas faire l’économie. C’est la raison pour laquelle ils étaient nombreux à répondre à l’invitation d’Eric Célérier, fondateur et président du Top Chrétien, et de Michel Balverde, pasteur évangélique de Clamart, mercredi 3 février dernier.

Au 44 rue de la Roquette à Paris, ils ont accueilli ensemble le pasteur Bill Hybels, fondateur de l’Église américaine Willow Creek et plusieurs grands témoins venus partager avec générosité leurs expériences, leurs préoccupations et leurs visions du leadership. Seules les idées reçues n’avaient pas droit de cité dans ce qui fut, le temps d’une journée, un think tank de la pensée chrétienne contemporaine alliant la vigueur de l’évangile et l’efficacité du management.

“Allez, et faites de tous les hommes d’affaires des disciples”

leadership 3A quoi Dieu veut-il que notre Eglise ressemble dans 2 ou 3 ans ? Telle est la question soulevée par Bill Hybels. Dieu nous appelle à être attentif aux talents et dons de chacun pour permettre à l’Eglise de grandir et de faire grandir. Le pasteur a passé au peigne fin toutes les situations pouvant mettre en péril le bon fonctionnement d’une paroisse en soulignant l’importance de la culture de l’encouragement et la nécessité d’effectuer la conduite du changement sur un mode résolument collaboratif.

Néanmoins, l’Eglise doit se garder de céder aux sirènes des agoras démocratiques où la tolérance prévaut, où chacun s’exprime pour s’exprimer, car le leader chrétien a la responsabilité d’accompagner ses fidèles dans une meilleure compréhension du message de miséricorde porté par Jésus pour les emmener individuellement à s’épanouir dans leur service. Même ceux qui peuvent paraître, a priori, bien loin de l’église comme les business men.

De façon inédite et à renforts d’arguments de bon sens, le pasteur a souligné l’importance d’accueillir les “business men” au sein de ses forces bénévoles. Il en veut pour preuve que Jésus lui-même, au moment de construire son équipe, choisit des disciples commerçants, des hommes engagés et incarnés dans la vie économique de leur cité et de leur temps. C’est aussi et surtout en rejoignant les hommes dans la complexité de leurs métiers actuels que peut s’accomplir la vocation d’un leadership chrétien. Être Chrétien chaque jour de la semaine, et non pas seulement le dimanche : tel est notre appel. Sommes-nous intrinsèquement appelés à la performance? Est-ce encore un principe chrétien que celui de se poser la question de l’efficacité de la communauté ?

“On ne naît pas leader, on le devient”

Comment créer l’engagement sur une recherche mutuelle de l’excellence opérationnelle sans pour autant mettre en danger les conditions de l’épanouissement de chacun ? Tel est le défi à relever dans l’exercice du leadership chrétien. C’est autour de tables rondes, de façon tout à fait décomplexée, que les participants, aux profils complémentaires, ont réfléchi aux conditions de fécondité des projets pastoraux. L’intervention d’Olivier Pelleau, coach accompagnant les grands dirigeants en phase de transitions, a été saluée autant pour l’espérance qu’elle revendiquait que pour la force de son témoignage. Il a rappelé, s’il le fallait, combien la cohérence de vie du chrétien est son premier et dernier horizon. Les participants ont pu interpeller successivement les intervenants avec de nombreuses questions, démontrant la profonde recherche de sens qu’ils étaient venu chercher à l’occasion de ce rassemblement.

“Le président pense aux prochaines élections, le leader pense aux prochaines générations”

Parmi toutes les stratégies pour influencer son environnement, le leader chrétien doit engager une réflexion sur internet, à l’heure où ce territoire s’offre comme une nouvelle terre sainte à conquérir posant des questions de souveraineté, d’autorité et de sécurité. Eric Adja, directeur de la Francophonie numérique, et chef de projet d’Horizon 2020 “Agir pour la diversité dans la société de l’information” a clôturé la journée. L’assemblée a été sensible à son sens de la formule, autant qu’à la rigueur de son analyse qui alertait son auditoire sans le démotiver. Lorsque l’homme politique, le président, pense aux enjeux électoraux, le leader chrétien pense aux prochaines générations. Une ambivalence qu’il s’est plu à faire remarquer pour insister sur la particularité du leadership chrétien

“L’ubérisation spirituelle présente deux risques majeurs : le communautarisme et la volonté de puissance”

leadership 4Comment s’investir en tant qu’évangéliste sur Internet sans tomber dans le piège d’échapper à la vie de l’église en construisant des communautés parallèles? Eric Adja regrette que la dynamique de réseau propre à Internet nous place face à la tentation d’exercer un mouvement centrifuge, motivé par l’apparat du “tout accessible”, qui nous éloigne progressivement du centre : le Christ, et de l’exigence : l’amour. L’Église s’est construite, par le passé, en constituant des communautés, qui se regroupent pour vivre les célébrations.

Sa vocation actuelle pourrait être servie prodigieusement par le potentiel relationnel offert par internet. Ainsi on peut proposer le Christ à des personnes au périphéries qui ont pu être blessées par l’organisation des Eglises traditionnelles. Pour autant, il ne faut pas changer de cap pour répondre aux désideratas de prêcheurs individualistes coupés de l’Église. De fait, on observe sur la toile un cannibalisme du concept de communauté par des pratiques communautaristes. Les enjeux du numérique doivent être exposés au sein de l’Église pour percevoir qu’au-delà des aspects techniques se jouent des enjeux sociologiques et anthropologiques.

L’Église peut continuer à grandir et à se structurer sur la toile sans jamais oublier que le centre reste le Christ et non la technique. Le danger serait que cet accès à Internet défiant les notions de finitude dans le temps et l’espace et de limite dans la quantité et la qualité nous fasse croire au spectre “d’un accès détourné à la transcendance”, nous faisant quitter notre statut de créature, aimée de Dieu, pour épouser une “volonté de puissance”, formule que l’on doit à Nietzsche, qui serait créatrice de pouvoir et destructrice d’amour.

« Bientôt une seconde édition, avec pour thème le leadership des femmes”

La journée s’est achevée dans la prière, animée par le pasteur Bruno Picard, pour remercier Dieu d’avoir fait souffler son Esprit Saint sur nos communautés et d’avoir permis à plusieurs dirigeants d’entreprises de la société civile et de l’Église de prendre un temps privilégié pour apprendre à connaître les problématiques des uns des autres, dans une démarche de générosité et de mutualisation des solutions. Michel Balverde et Eric Célérier confiaient vouloir renouveler l’expérience en abordant la question du rôle de la femme dans les organisations ecclésiales et de leur mission spécifique aux vues de leur vocation personnelle.

Marie-Sophie Salaün


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